Les communautés de pratique: savoir apprendre ensemble dans un espace de confiance

Auteur: Jacques Cool

C’est dans le cadre de son étude Nouveaux modèles d’affaires en éducation à l’ère du numérique et de la coopération que la première de quatre causeries thématiques a eu lieu en ligne le 4 mars dernier. Le thème des communautés de pratique fut abordé par les deux experts en résidence pour cette série de causeries, Daniel Baril et Olivier Alfieri, en compagnie de leurs invités de marque, Harold Jarche et Sylvain Vacaresse. 

D’entrée de jeu, Daniel Baril et Olivier Alfieri ont voulu situer les communautés de pratique (CdP) dans une perspective plus large de l’apprentissage peer-to-peer (P2P), depuis les Cercles d’études du siècle dernier aux communautés plus soft telles que Youtube et P2PU, diffusées via le numérique. Des CdP sont parfois éphémères, d’autres plus permanentes, mais chacune comporte le défi de (re)créer des liens sociaux dans un espace virtuel. La présence (ou l’absence) sociale à distance a particulièrement été mise en évidence depuis le début de la pandémie COVID-19.

Comment distinguer la collaboration de la coopération? Comment une CdP peut-elle « muer » au sein d’un réseau d’apprentissage? Pour Harold Jarche, ce qui caractérise ou non une CdP se résume à la question « Est-ce que cela a changé les pratiques? ». En fait, on distingue trois paliers de regroupements. À un bout du spectre, ce sont des équipes de projet en circuit fermé qui collaborent autour d’objectifs définis, alors qu’à l’autre bout du spectre, on retrouve des réseaux ouverts et largement accessibles. Une CdP se situe entre les deux; une sorte d’hybride où la collaboration et la coopération (partage d’idées et de connaissances avec les autres) peuvent se manifester dans un espace social. Pour se réaliser, il importe de créer au sein d’une CdP un espace de confiance, privé et appuyé de règles de comportement. C’est donc un dispositif d’apprentissage, structuré et organisé, lié à des objectifs professionnels. Tout ceci en autant que le choix d’y participer soit présent, selon Harold Jarche.

Pour Sylvain Vacaresse, adhérer à une CdP permet de combler les besoins pratiques et professionnels suivants :

  • Bien percevoir les bénéfices d’une adhésion (Quel sera le retour sur mon investissement en temps et en énergie?)
  • Avoir une zone de confiance envers les autres; partage de valeurs, compréhension des règles, une liberté d’action et la capacité de mobiliser des gens autour d’un sujet d’intérêt (Est-ce que je m’y sens bien? Ai-je envie d’y rester? Qu’est-ce que cela me rapporte?)
  • Avoir le pouvoir d’agir sur la CdP.

Les modes synchrone et asynchrone d’une CdP ne sont pas mutuellement exclusifs; une hybridation bien structurée apporte une valeur supplémentaire. Le lieu diffère (virtuel vs présentiel), ce qui implique des relations et des activités différentes, où les gens produisent quelque chose (individuellement ou collectivement). Cette mixité bien dosée permet de renforcer le sentiment d’appartenance et l’envie d’y contribuer et d’agir. 

À la question « Comment une communauté en réseau comme le REFAD peut-il animer et tirer avantage d’une CdP dans son offre de services aux membres? », Jarche insiste sur l’importance des triangles à fermer : individu A connaît les individus B  et C, mais B et C ne se connaissent pas nécessairement. En mettant en relation B et C, on ferme ainsi le triangle. Pour Jarche, une CdP avec beaucoup de triangles fermés (en toile active) est plus efficace dans son partage de connaissances. Ce n’est pas seulement une responsabilité du gestionnaire de communauté, donnant ainsi une dimension organique à la CdP.

Pour une communauté en réseau, il s’agit donc de bâtir des ponts et :

  • de savoir fermer les triangles,
  • d’identifier des CdP qui existent déjà et voir comment les appuyer,
  • d’avoir une pratique de curation de connaissances (veille soutenue et partagée),
  • de savoir écouter et guider doucement.

Vacaresse ajoute que l’animateur de communauté agit en support et non en conducteur ou directeur. La notion d’espace de confiance avec des interactions (flux multidirectionnel de nouvelles idées et pratiques) visant un objectif commun interpelle la bienveillance en toile de fond.

« L’évolution d’une communauté de pratique doit refléter l’évolution de ses membres. » (Sylvain Vacaresse) 

Tout en reconnaissant qu’une CdP a une certaine durée de vie, celle à moyen terme est à favoriser car, à court terme, on n’a pas le temps d’établir de la profondeur et à long terme il y a risque de « sclérose organisationnelle ». Une CdP demeure un espace où tester des idées en mode bêta perpétuel, soutient Jarche.

En conclusion, Daniel Baril avance que le grand défi d’une CdP est de briser le moule traditionnel du dispositif scolaire et organisationnel, pour une décentralisation des connaissances. Alfieri nous rappelle la dimension essentielle de pouvoir s’identifier à une CdP dans un cadre bienveillant. Pour les deux invités, les communautés de pratique dans un monde complexe et de plus en plus chaotique permettront de donner davantage de sens aux choses, de contrer la désinformation et pourquoi pas, d’inverser un paradigme dominant de la formation.

La deuxième causerie aura lieu le 8 avril à 12h (fuseau horaire de l’Est) et portera sur la certification et la reconnaissance. Messieurs Baril et Alfieri accueilleront alors Geoffroi Garon-Épaule et Maxime Pelchat. C’est une invitation à vous y inscrire.

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